Ce texte est la transcription de l'émission de radio "In Britain Now" sur la B.B.C., diffusée le 24 juin 1942 (18h30-19h),
où Herbert Farthing raconte son premier contact avec sa Clement-Panhard qu'on vient de lui livrer sur les quais Southampton.

"IN BRITAIN NOW”: 24 Juin 1942
Témoignage de M. Herbert Farthing enregistré le 20 Juin

La voiture arriva de France un dimanche matin de juin 1896. J'étais descendu l'attendre sur les quais, à Southampton. C'était une Clement-Panhard fabriquée par la Société Panhard, quatre chevaux, moteur horizontal sous le siège conducteur, deux grandes roues à l'arrière, transmission par chaînes. Et – Mr. Baxter  qui avait été Colonel au 4ème Dorset Territorial – était allé en France pour apprendre à conduire et pour ramener la voiture. Je lui avais promis de le retrouver aux docks, et il allait m'enseigner la conduite.

M. Farthing
Donc nous étions là, un dimanche, à sept heures du matin. Nous avons poussé la voiture hors des docks. "Bien", ai-je dit, “Qu'est-ce qu'on fait ?”. M. Baxter me donne le manuel d'utilisation. "Ça ne va pas“, dit-je, “c'est en français”. Je ne savais pas lire le français, et M. Baxter non plus. “Bon”,  dit-je, “vous êtes parti une semaine. Vous devez savoir comment savoir comment on conduit”. Il dit que tout ce qu'il a eu comme cours, c'était de l'homme qui l'a conduit des usines jusqu'aux quais. Mais il me dit qu'il y avait un allumage électrique et un allumage à brûleur. Je connaissais quelque chose de l'allumage par brûleur, qui était ce qu'on utilisait pour les moteurs à gaz ou à pétrole. Donc j'allume la lampe et le tube devient rouge. Nous trouvons le robinet d'essence, nous l'ouvrons, et après un bon mement nous parvenons à la démarrer. Je lui dit, "Ce serait mieux si vous preniez le volant”. Nous manoeuvrons pour passer la petite vitesse, et nous partons, dans Southampton à 7 km/h. Je demande, "Avons-nous suffisamment d'essence ?".  “Oui”, dit-il, “assez pour aller au bout du monde". "Nous ne voulons pas aller là-bas. C'est à Sherborne que nous voulons aller" répondis-je ...

Au volant : le fils de M. Farthing
Sherborne était à 96 km, et la voiture devait faire du 5 litres aux 100 km. Nous maintenons notre vitesse à 7 km/h. Nous avons consommé la même quantité d'essence pour descendre les côtes que pour les monter, car on ne parvenait pas à changer de vitesse. À Whitchurch la voiture s'arrêta complètement. Le réservoir d'essence était à sec. Ils disaient en France que ça marchait aussi bien avec de la parafine qu'avec de l'essence, donc nous nous procurons de la parafine et nous repartons. Puis la voiture stoppa net, juste devant la borne du kilomètre 5 à la sortie de Salisbury. M. Baxter marcha jusqu'à Salisbury et ramena un bidon de 9 litres d'essence - l'essence à cette époque ne se trouvait que dans les grandes villes comme Southampton, Salisbury ou Yeovil.

Nous arrivons à Salisbury à 14 heures et nous nous arrêtons sur la pelouse d'un l'hôtel, couverts de graisse, d'huile et de poussière. Comme il n'y avait pas de vitres la poussière arrivait en nuages par l'arrière et par l'avant.

La première chose que j'ai demandée était un verre. Chaque fois que nous nous arrêtions dans un pub au bord de la route la voiture se portait bien, alors nous n'hésitions pas à nous arrêter. Après un bon verre, une toilette et un déjeuner, nous sommes à nouveau repartis pour Shaftesbury, où nous arrivions peu après 18 heures. Bien sûr, il y avait foule, car une voiture était encore une curiosité, et peu de gens allèrent à l'église cette nuit là. Encore 15 kilomètres et nous stoppons à nouveau, à Bow Bridge. Coup d'oeil au réservoir - "il était à sec". Alors je marche 2 kilomètres jusqu'à un magasin de vélos et demande de l'essence. Ils n'avaient jamais entendu parler d'essence. Je prend de la benzoline et mets ça dedans. La voiture tousse et crache, et finit par me démettre le pouce. Cette fois ça allait mal. Alors nous avons poussé la voiture sur 2 kilomètres, jusqu'à la pelouse du magasin de vélos. Nous avons loué des bicyclettes et nous avons pédalé jusqu'à notre maison de Sherborne, 10 kilomètres, pour arriver à minuit. Dix-sept heures pour parcourir 100 km. Le lendemain M. Baxter me dit qu'il irait à Yeovil trouver de l'essence, et qu'il aimerait que j'aille avec lui pour ramener la voiture. Je lui dit que non, tant qu'il n'aurait pas traduit le manuel d'utilisation.

Bref, c'était l'automobile il y a 46 ans. Depuis j'ai conduit - j'ai maintenant 77 ans - et la semaine prochaine je sortirais ma voiture, et je serai de retour à l'endroit où j'étais ce dimanche pour ce trajet en voiture vers Sherborne.


La B.B.C. paya Herbert Farthing 2£ 2s. od. en ancienne monnaie qui est égale à 2 guinées. Si quelqu'un pouvait me dire combien cela fait en monnaie d'aujourd'hui, ce serait super !
 
[Traduction du site http://www.geocities.com/clement_panhard/]