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Au temps du sous-marin en bronze
souvenirs du premier GUSTAVE ZÉDÉ
par le Capitaine de vaisseau Thomazi
Revue NEPTUNIA n°41
1956

La revue NEPTUNIA - 1956


Page 1
"Au début de 1900, je me trouvais, en qualité d'enseigne torpilleur-électricien, sur le  Charlemagne dans l'escadre de la Méditerranée. Embarquement agréable, intéressant aussi parce que ce cuirassé, qui venait d'entrer en service, était le premier dont les tourelles, le cabestan, les treuils, le gouvernail fussent mûs électriquement, ce qui nous donnait fort à faire, à mon chef de service et à moi," 
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Page 2
"Il n'existait alors dans le monde que deux bateaux capables de plonger : le petit Gymnote de 30 tonnes, sous-marin d'expériences dont la conception était due à l'illustre Dupuy de Lôme, et le Gustave Zédé qui, avec ses 48 mètres de long et ses 261 tonnes de déplacement en surface, faisait figure de géant."
"Tous deux étaient à Toulon, dans la darse Missiessy, entourés du plus grand secret. Personne n'était admis à les visiter, et un grillage gardé nuit et jour par des factionnaires en interdisait l'approche." 
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Page 3
"On pouvait coupler les batteries à 100, 200 ou 300 volts. Mais les canalisations électriques étaient faibles et leur isolement médiocre. À 200 volts tout chauffait déjà, à 300 les accus entraient en ébullition et des étincelles jaillissaient partout. En fait, ce couplage qui correspondait aux vitesses maxima (12 noeuds en surface, 9 en plongée) n'était jamais employé et nous nous contentions le plus souvent du couplage à 100 volts qui nous faisait marcher à 7 noeuds en surface et 5 en plongée."
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Page 4
"La plongée est aujourd'hui quelque chose de très simple et très facile, mais il n'en a pas toujours été aisni, et les sous-mariniers d'aujourd'hui doivent cette aisances aux tâtonnements du début. Or le Gustave Zédé, avec ses 269 tonnes en plongée, était si grand, pour les connaissances de l'époque, que judqu'aux types Émeraude et Pluviose (1905) on se tint, par prudence, à des dimensions moindre encore que les siennes. Il était délicat à manoeuvrer, et le commandant Jobard le conduisait avec une hardiesse raisonnée qui méritait l'admiration."
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Page 5
 "On commençait à parler beaucouop des sous-marins, et, le mystère aidant, nous étions entourés, mon commandant et moi, d'une curiosité assez flatteuse. Des personnages importants venaient nous voir et demandaient à faire une sortie avec nous.
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"La visite Présidentielle avait attiré l'attention sur le Gustave-Zédé : c'est d'ailleurs ce que voulait M. Delcassé. Mais la gloire de notre bateau fut à son comble quand, trois mois après, il accomplit la prouesse du premier lancement de torpille effectué par un sous-marin dans des conditions analogues à celles de la guerre telles qu'elles étaient alors."
Page 6
 "Les grandes manœuvres navales commençaient dans la nuit du 2 au 3 juillet [1901]. Le 2, vers la fin de l'après-midi, nous sortîmes de l'arsenal. Le commandant et moi savions seuls où nous allions. Sortis de la rade, nous trouvâmes le remorqueur Utile qui nous traîna vers la Corse à la vitesse de 9 noeuds. Il faisait un temps magnifique. Au milieu de la nuit, nous sentîmes à une cinquantaine de milles la forte odeur du maquis. Le 3, au petit jour, la remorque fut larguée, nous nous mîmes en plongée et pénétrâmes dans la baie d'Ajaccio. L'escadre était en train d'appareiller. Le commandant Jobard lança sa torpille dont le cône de choc alla s'écraser sur la coque du cuirassé Charles Martel, et nous émergeames au milieu de la stupéfaction générale, stupéfaction telle que les bâtiments qui avaient commencé leur manœuvre de sortie la continuèrent comme si nous n'avions pas existé, et que nous eûmes tout juste le temps de plonger "en catastrophe" pour passer sous la quille du cuirassé suivant, le Jauréguiberry, qui sans cela nous aurait froidement coulés."

"L'amiral commandant l'escadre avait pourtant été avisé, officiellement, qu'il pourrait être attaqué par un sous-marin, mais il n'avait pas pris l'avertissement au sérieux. Il en jugea de même, du reste, pour le torpillage, et fit continuer les manœuvres par le Charles Martel considérant que ce "n'était pas de jeu". Mais il fut le seul de son avis. L'attaque du Zédé eut un retentissement énorme en France et à l'étranger, elle fournit un argument décisif aux partisans des sous-marins, et fut suivie de nombreuses mises en chantier dans tous les pays."

[...]

Le cuirassé Charles Martel vu de face

Zoom

Vue latérale du Charles Martel


Photos : collection du Musée Maritime de Rouen