KREBS - SommaireKREBS - Le dirigeable La FranceKREBS - Le sous-marin Le GymnoteKREBS - Le Service Incendie de la Ville de ParisKREBS - Panhard et LevassorKREBS - Plan du site 
10/03/2000
 Le Petit Journal
SUPPLÉMENT ILLUSTRÉ
Numéro 40
SAMEDI 29 AOUT 1891
1 2
 
"        Après les fêtes de Cronstadt, voici celles de Portsmouth ; après l'accueil si fraternel des russes, voici les hurrahs enthousiastes des Anglais ; après la réception par le czar, voici la réception par la reine d'Angleterre.
"        On nous permettra de faire ressortir le rôle de l'amiral Gervais dans tout ceci.
"        Certes, l'amiral doit être bienheureux et fier. Son pays l'a choisi pour recevoir l'expression de la sympathie des nations et pour le représenter au milieu de ces magnifiques fêtes de la paix fraternelle : c'est un honneur et une joie qui suffisent à toute une carrière.
"        Ajoutons qu'il est en tout point digne de la distinction dont il est l'objet.
"        Il fallait, pour représenter la France en pareille circonstance, un marin sans reproche, un coeur loyal, un esprit fin,  un homme de tact aux manières excellentes ; on pouvait dans notre belle marine trouver aussi bien, on ne pouvait pas trouver mieux que l'amiral Gervais.
"        Rappelons maintenant en quelles circonstances cette visite officielle de notre flotte en Angleterre a été décidée.
"        L'empereur Guillaume II venait d'aller à Londres voir sa grand'mère, la reine Victoria, disait-on tout haut ; tâcher de faire entrer le Royaume-Uni dans la triple alliance, qui serait ainsi devenue quadruple, racontait-on plus bas, et avec plus de raison.
"        Des fêtes magnifiques furent ordonnées, l'empereur parada dans les uniformes les plus brillants et les plus variés, la foule, très curieuse, se pressa sur son passage pour voir les cortèges, mais quoi qu'on en ait dit, il est absolument avéré que les acclamations furent maigres et que l'impérial visiteur en conçut une grande amertume.
"        En vain, et contrairement à ses habitudes, il s'efforça d'être aimable, conciliant, câlin presque, rien n'y fit ; les Londonniens restèrent de glace et se contentèrent de se montrer polis.
"        Guillaume II compta qu'il serait plus heureux du côté officiel ; il eut de longues conversations avec Lord Salisbury, qui dirige en ce moment la politique anglaise.
"        Le Lord est très fin et, - passez-moi l'expression,  - roula son jeune interlocuteur.
"        Les entretiens furent secrets, mais en pareil cas, il y a toujours quelqu'un pour écouter aux portes et voici ce qu'on raconta :
"        L'empereur insistait pour que l'Angleterre se mît en avant pour proposer le désarmement général, et le diplomate avec un profond salut et un sourire spécial répondait :
"        - Oh! sire, il n'y a qu'un grand monarque comme vous pour prendre une semblable initiative.
"        C'était dire bien clairement :
"        - Faites vos affaires vous-même, nous n'avons nulle envie de nous brûler les doigts pour vous tirer les marrons du feu.
"        L'empereur le comprit, il revint fort dépité et naîvement étonné de n'avoir rien obtenu.
"        Cependant il ne fallait point laisser voir qu'on avait perdu la partie ; bien au contraire, dans l'intérêt du prestiqe, il importait de donner à croire qu'on l'avait gagnée.
"        On prit des mines radieuses, on encombra les journaux d'articles satisfaits, on laissa entendre que le traité de la quadrature alliance était signé.
"        Cela ne faisait pas l'affaire de l'Angleterre qui n'aime pas qu'on mente pour la compromettre, elle entend rester libre de ses allures afin de pouvoir, le moment venu, se jeter du côté où la dirigera son intérêt.
"        On chercha donc un moyen de démentir indirectement et poliment les affirmations allemandes et ce moyen on le trouva.
"        La flotte française revenait de Russie, on l'invita officiellement à venir saluer la reine d'Angleterre et on lui fit la superbe réception qui vient d'avoir lieu.
"        Il ne faut pas attacher aux choses l'importance qu'elles n'ont pas et nous devons juger froidement.
"        La manifestation anglaise ne signifie pas :
"        - Nous sommes vos amis dévoués !
"        Mais bien :
"        - Nous ne sommes pas vos ennemis, nous le déclarons publiquement ; ceux qui insinuent le contraire se trompent sciemment et prennent volontairement leurs désirs pour des réalités.
"        Je crois que nous n'avons pas à demander autre chose pour le moment et que c'est déjà beaucoup.
"        Aussi n'admettons-nous pas les protestations qu'un patriotisme mal éclairé a fait élever ; la Russie ne s'est point formalisée de la visite à Portsmouth, car elle en a compris la portée, ce qui n'est pas le cas des trop bruyants protestataires.
 

De gauche à droite : Le cuirassé MARENGO (vaisseau amiral), l'aviso-torpilleur LANCE, le cuirassé MARCEAU.

Les navires à propulsion mécanique ATLAS 1999